JUIN, (AN 00)
A une certaine époque, je me suis demandée si je ne revenais pas toujours vers toi,juste pour la beauté de ton sexe, de tes fesses, de tes hanches. Non pas « pour le cul, » car je savais que le plus souvent « le cul » n’était pas satisfaisant entre nous. Juste pour t’admirer physiquement, et me laisser à aller à un désir sans espoir. Et puis, un jour, par des accusations et des injures, tu m’as laminée au sujet de mon amour du sexe. Je n’ai plus pu aimer ton corps, ta peau douce, ni même ton épaule que tu me proposais encore. Et si par la suite, il m’est arrivé de repenser à toi avec quelque nostalgie, de revenir vers toi pour me confronter à toi, tu n’avais plus de corps, ni de paroles, ce sont tes petits yeux noirs qui me rendaient l’émoi. Oui, tes petits yeux noirs, ces toutes petites flaques de charbon ardent, ce que j’ai vu la première fois de toi.
JANVIER, (AN -4 avant l'an 00) - Flascback
PREMIER COMPTOIR DE BAR
Au fond du noir de ton regard
Je lisais
Soyeuses caresses
Pudiques délicatesses
Je flanchais
Trop près du noir de ton regard
Emprise d’une soudaine ivresse
D’une chaleur heureuse
Que je voilais
Je cachais de mon propre regard
L’affreux espoir d’une promesse
Comme si nue et frileuse
J’évitais
Que l’éclair passé dans mes yeux
Ne révéla le coup de feu
Qui mon cœur explosait
JUIN, (AN 00)
Je repense à nos dernières conversations et à la liste de peurs que je t'ai énumérée. Comment ne pas indéfiniment me laisser entraver par toutes ces peurs ? Je me dis que méfiance et défiance ne sont pas des solutions, car elles entraînent les blocages dont je me fais la proie. Je pense que si j'apprends juste à être vigilante, ce devrait être déjà pas mal.
Serons nous un jour chacun l'adéquat l'un de l'autre? J'ai tellement rêvé, espéré être aimée et désirée de toi, et tellement de mal à oublier les baffes que j'ai quand même encaissées un certain temps, que je ne rêve plus, et j'ai même peur d'être aimée et/ou désirée de toi et de tout autre. Quel long chemin que cette vie pour aller vers soi même et aussi vers les autres. Toi comme moi avons sûrement trouvé plus facile d'aller vers les autres, ne sachant offrir de nous que des émotions, des plus belles aux plus affreuses, et des fuites. Je veux bien continuer ce chemin de paroles et d'échanges simples avec toi, sans savoir où il mène, juste parce qu'il me semble que je me dois de le faire, que cela m'aide à aller vers moi, en souhaitant aussi que cela puisse t'aider à aller vers toi. N'avons nous pas encore beaucoup de choses à nous dire avant que je commence à chercher la réponse à : Où est passée ma sensualité ? Emportée avec les cendres des excès, avec la peur du rejet à nouveau un jour (et si le souvenir d'un amour déçu, si mon "sexe pourri", si l'image des couches à l'hôpital, si le désir et la fidélité envers une autre revenaient à la surface ?) Et alors attendre et toujours, mon heure d'être aimée et désirée moi aussi... Alors je n'attends plus et je redoute...
Je suis assez contente, car de l'épreuve et la décision que je me suis imposées, celles de te faire face, et qui m'effrayaient tant, je suis sortie indemne. Aller à cette « défaite »(de la musique, jeu de mots subtil de tes amis musiciens), c'était, outre que d'écouter Chocolate Pain dont je ne me suis pas privée du plaisir, aller vers la foule et vers toi, et peut-être te voir boire, ce qui n'a pas été difficile, il a suffit que moi même je demande un premier verre de bière. C'était aller vers toi pour peut-être t'entendre dire le verre à la main, comme mille fois avant, que tu gères ta façon de boire sans surveiller comment et jusqu'où tu gérais.
C'était aussi sûrement aller vers voir et entendre un pote à toi me baragouiner gentiment, comme pour s'excuser d'avoir suggéré tout haut "une restructuration", et avec ses « desquels » et ses « auxquels » jonchant ses phrases, comme était grande votre amitié, et me confier comme il respectait ton désir de ne pas parler "d'un certain sujet".
C'était aller vers toi pour que peut-être, tu me fasses une proposition ("essayer de se capter" le lendemain), et que peut-être tu me dises le lendemain que ce n'était pas le moment (Tu avais géré en buvant, et plus, toute la nuit)
C'était te faire face.
Mais pour moi, ce n'est pas une défaite, je ne suis pas tombée en miettes, parce que je n'avais pas d'espoir secret de ne pas voir tout ça, ni d'illusion que quelque chose m'aurait été favorable. J'ai pu te faire face sans en souffrir, sans me sentir concernée, me contentant de ta gentillesse et tes attentions, de te voir souriant, heureux de la place que l'on t'accorde, et de te rendre utile. Contente aussi, suite à notre conversation de la veille, que tu prépares ton chemin, en accord avec ton fond intérieur. Sans blessure d'orgueil, de jalousie, d'envie. Contente pour toi, et pour moi, de faire ce qui me plaît aussi.Et cette nuit là, la nuit de la fête de la musique, la nuit la plus courte de l'année, j'ai dormi profondément et d'une seule traite, épuisée de ce monde où j'étais seule au milieu de la foule.
AVRIL, (AN 1)
10 mois ont passés et pas mal de moments ensemble. J’ai ressenti diverses impressions, celle de notre relation devenue «adolescente » - rencontres en dehors de mes enfants, de ta mère, des connaissances communes, sur un coin d’herbe, dans un café que nous ne fréquentions pas avant, sur un banc face au soleil et sans bouteille de Jeanlain, ou à marcher des heures avec toi dans la neige autour de la ville, essayant de fuir ma dépression - approche sensuelle timide, rare, rapide, petits baisers, tes : ma chérie, mes : je ne vois pas ce que nous pourrions projeter dans l’avenir, nos points d’interrogation éternels – celle aussi de nous soutenir comme nous pouvions dans les pires moments de blues, de découragement, de perte de confiance en soi, et puis, celle, récurrente, que, quand tu croises le chemin d’un ou de potes, l’occasion de verres à partager, je n’existe plus, tu n’as plus besoin de moi, je ne te manque plus du tout, ce qui m’a laissée seule avec de meilleurs moments, de l’espoir, de la joie, où tu brillais par ton absence, ou bien quand tu me répondais ou me rappelais d’une voix saoule, quand tu ne savais répéter que je t’aime , ou fais-moi confiance, oui dans ces moments mêmes où tu savais parfaitement qu’un monde nous séparait de nouveau. Des sentiments de rêves non partagés, et de ton inconséquence, face à tes choix et aux tentations auxquelles tu ne résistes pas.
Me faire face aujourd’hui, c’est admettre et comprendre que tu m’amènes plus de douleurs, de colère, de déceptions, de lassitude, que d’espoir.