Dimanche
En fait je lui ai dit ma colère, ma déception, mon dégoût déjà au téléphone. Mais je suis presque sûre que j'aurai encore à lui redire. Ce soir il n'était pas dessaoûlé.
Il accompagne surtout des mauvais moments et encore pas tous. Il me demande d'accompagner ses mauvais moments, c'est à dire presque tout le temps. Sauf quand il les oublie dans les bars, l'alcool, les copains, où là il n'a plus besoin de moi et je n'ai pas "intérêt" à avoir besoin de lui.
Finalement, et je commençais à me rendre compte de l'importance de "ça", je me félicite d'avoir affronté la solitude, le vide, le manque, l'absence, en me forçant à m'y confronter, sans chercher à m'en évader, à part dans la lecture où finalement je me retrouvais face aux même problématiques racontées par d'autres. Je suis plus forte après chaque crise (dépression, je finis par t'amadouer, je te résiste, ce n'est pas toi qui me tueras - enfin j'espère).
J'apprivoise cette difficulté de vivre, et ce qui m'aide le plus, c'est la solitude, l'introspection, le face à moi quand je ne me supporte plus. Je vis, à la limite du supportable, mais comme tant, tellement d'autres. En lisant des livres, en écoutant la radio, au cinéma, je vois et j'entends que tous ces gens qui me "parlent" tant, qui créent, qui s'expriment, sont mués par cette étrange envie, ou ce besoin de continuer quand-même, malgré les souffrances, les déceptions, les colères, les dégoûts qu'ils ressentent.
Je ne crée pas moi, je n'ai créé que mes enfants (merci à leur père) comme tant, tellement d'autres mères. Mais QUELS ENFANTS ! A leur tour, ils me re-donnent, encore et encore la vie. Mes enfants me sauvent la vie au propre et au figuré. Pour eux, je me dois de me la sauver moi-même. Alors, pourquoi pas la remplir, la construire, notion nouvelle pour moi, le plus intelligemment possible ? J'essaie, je fais vraiment VRAIMENT DE MON MIEUX, variable suivant les jours, mais toujours de mon mieux (ce qui n'a pas été le cas auparavant, enfin pas toujours)
Il fallait ce soir que je trouve un moyen d'expulser cette colère qui gravite en moi depuis jeudi.
Est-ce lui le responsable de cette colère ? Est-ce moi ? Je n'ai pas une confiance absolue en lui, donc pas d'étonnement, mais je crois que ce qu'il fait dépasse les limites de la part de confiance que j'avais gardée, ou plutôt retrouvée. Ce qu'il fait n'atteint plus l'avancement de ma vie, n'arrête plus le cheminement de mes pas, mais provoque en moi cette colère là.
Tout l'hiver dernier, j'ai retourné en moi cette question dans tous les sens, pourrais-je me passer totalement de
lui ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ? De fait, je ne me passe pas totalement de lui. Même pendant des mois d'absence, il occupe une partie de mes pensées. Même dans des innombrables moments où nous n'avons pas grand chose à partager, je suis avec lui, je lui réponds au téléphone ou lui téléphone moi-même, je le vois. Je sais très bien que je ne le sauverai de rien, ni lui non plus pour moi. Mais on s'est dit souvent "on est encore là".
Pourquoi sommes nous encore là l'un pour l'autre ? Pourquoi revenons nous toujours chacun à l'autre ? Pour ce qui le concerne, je ne peux pas le savoir, je ne peux faire que des suppositions. Mais pour moi ? POURQUOI ? Je n'ai pas d'espoir ni de projection où à l'avenir nous serions réunis dans un mode de vie commun.
Très souvent il me déçoit. Juste, de temps en temps, il dit ou fait quelque chose qui me plait, quelque chose qui me parait souriant, positif ou encourageant. Alors, je passe du temps avec lui, jusqu'à la déception suivante.
Je crois vraiment qu'il manque de se coller à lui-même. Je pense vraiment qu'il a trop tendance à pratiquer l'évitement. Il se reprend et se lâche, en boucle. Et il y a de l'inconséquence là dedans. Ce que nous faisons ou ne faisons pas a des répercussions sur les relations que nous avons avec autrui. Je lui ai dit souvent ces derniers temps.
Il me semble résulter de tout ça que si je devais arriver à me passer de lui sans en souffrir le manque, ce ne serait pas par décision formelle et concrète, mais juste, par déliquessence et lassitude.
Mardi
Après avoir passé quelques jours dans la grande ville, vu une amie et une autre, quand je suis revenue à
la petite ville, ma colère était passée. C'était dimanche soir, nous sommes mardi soir, nous avons passé quelques bons moments ensemble... Et au téléphone,de nouveau sa voix saoûle.
Et ma colère qui revient, remonte et gronde, mes douleurs apaisées qui crient à nouveau.