Je pense à Jean-Louis Fournier. J'aime bien Jean-Louis Fournier.
J'ai lu plusieurs fois « Il a jamais tué personne mon papa ». Je l'ai confié à un homme, un alcoolique, qui avait des enfants, loin. Lui proposer ce livre, c'était lui dire que je l'aimais, et aussi que je souffrais, mais que je l'aimais, mais que je souffrais, mais que je l'aimais... Il ne l'a jamais lu.
Il me l'a rendu avec d'autres, après que je lui ai dit qu'il était devenu pour moi comme l'alcool pour lui, un produit toxique, dont je ne voulais plus absorber une seule goutte.
J'ai lu aussi, deux fois « On va où papa ? », et j'ai ri de bon cœur malgré une phase dépressive naissante, enfin j'ai ri au début surtout. A la fin, j'étais plutôt crispée, mais aussi pas consolée du tout de n'avoir que du mal à seconder mon fils dans ses recherches difficiles d'orientation. Quelque soit la relativisation que nous pouvons faire sur nos degrés de difficultés avec nos enfants, les proches, les enseignants, les éducateurs, les professionnels, savent toujours trouver des trucs bêtes à dire pour nous rassurer ou nous culpabiliser. Et je savais bien ce qu'est la chance de la bonne santé, de la beauté, des capacités intellectuelles et physiques, même non/mal utilisées, enfin pas comme le voudrait notre « bon sur moi ».
Jean-Louis Fournier m'intéresse (en plus j'adore les spectacles de Pierre Desproges)
Comment arrive-t-il à se servir aussi bien, aussi souvent de l'humour pour s’encarapacer ? Bon, c’est un sujet contre-versé, surtout s’agissant de parler de ses deux enfants handicapés…
Ca m'arrive à moi, comme si ça me poussait tout seul, d'utiliser l'autodérision, l'ironie, le cynisme, d'être terre où ça fleurit, mais je dois émettre des phéromones qui font faner ce genre de plantes trop vite. Ca ne dure pas avec moi. Je redeviens si fragile ou si sérieuse (où est passé ton humour maman ? Moi : oui, c'est vrai, où est il passé ?)
A PROPOS DE MES ENFANTS
Pour qui je voudrais écrire le restant de ma vie
De mon côté, il y a de nombreuses années, j'ai eu une sorte d'illumination. Je me mettais à écouter et à chanter souvent la chanson de William Sheller qui disait en partie :
« Maman est folle, on n'y peut rien
Mais c'qui nous console
C'est qu'elle nous aime bien
Quand maman rigole
On oublie qu'on a faim
Que c'est l'heure de l'école
Qu'on a peur des voisins.
Et toi Léopold, surtout ne dis rien
Les gens dans leurs cache-cols n'y comprendraient rien... »
J'adressais à mes enfants un message subliminal. Là aussi je leur disais que je les aimais -mais que je souffrais- mais QUE JE LES AIMAIS ! Et puis qu'ils ne s'étonnent pas, si souvent, les gens sont méchants et/ou bêtes et/ou juges et/ou exagérément gentils ("Maman, cette dame, je ne l’aime pas, elle sourit trop tout le temps" ), c'est que souvent les gens dans leurs quant–à-eux-cache-cols ne comprennent rien, c'est parce qu'ils ne savent pas.
Car, chez moi, c’est moi l’handicapée.
J’ai la chance inouïe que « mes » garçons soient en pleine possession de leurs capacités physiques, intellectuelles, et humaines de, je dirais, très bonne qualité. Je n’ai que de légers problèmes d’accompagnement dans leurs désirs/non désirs, choix/non choix d’orientation scolaire.
J’ai aussi la chance de n’avoir jamais fantasmé sur ce qu’ils pourraient bien devenir plus tard. Enfin, ce n’était pas trop dur pour moi, car…
… pour de bêtes raisons de troubles de mes humeurs et/ou de ma personnalité, je les ai laissés carrément livrés à eux-mêmes dès très jeunes, embourbée que j’étais au fonds de trous si incroyablement profonds et sombres que j’en suis devenue quasiment amnésique (où étais-je donc ? Avec mon humour ?), ou, envolée vers des vies où ils étaient bien incapables de me suivre (et où là ça rigole vraiment trop)
J’ai aussi refusé d’entendre leurs avis quand ils souffraient de ma passion démesurée pour un homme et de ses conséquences sur notre rendu fragile cocon familial. Je me suis en plus mise à être trop soûle presque tous les soirs, puis presque tous les jours, et à abuser de mes drogues, d’accès facile, grâce à mes traitements incontournables ( A vie a dit Mr psy). J’ai même osé l’impardonnable, leur confier, à eux ! Oh là, quand j’y pense…, mes douleurs récurrentes, quand je n’avais plus personne à qui parler croyais-je.
Evidemment on m’a souvent sévèrement jugée pour mon inconséquence, en plus d’oublier pas mal de règles d’éducation auxquelles je ne comprenais pas grand-chose, toujours en doute de leur utilité, ou de leur efficacité, par rapport à quoi d’ailleurs ?
Mais, eh oui, quelques uns -enfin peut être un(e) seulement, ou peut-être n’est-ce que moi, quand je voulais me rassurer, ont, je garde la troisième personne du pluriel quand même, je peux bien rêver, admiré mon exceptionnelle capacité à respecter leur liberté ! , et constaté que « compte-tenu des circonstances », ils ne sont pas si mal que ça…, plutôt « trop » bien élevés, autonomes (tu m’étonnes !), voire matures, et que j’ai même de la chance qu’ils … me parlent !
Quand je me crois plus forte que la maladie, plus forte que les drogues, plus forte que ma passion, je sais que rien ni personne n’a le moindre pouvoir d’altérer l’étendue de mon amour pour mes enfants, ni de me jeter la moindre pierre.
Mon cœur et mon ventre gorgés d’amour leur disent à chaque instant :
« Je t’ai mis au monde et tu ne m’appartiens déjà plus, je te propose l’espace de ma vie d’où tes pas, dès les premiers te mèneront et te ramèneront si tu le souhaites. Auprès de moi, tu es libre. Que tu sois et deviennes, tel j’apprendrais à te connaître. Je ne te domine pas et tu ne me domines pas. Que tu te nourrisses et t’abreuves de ce qui est goûteux en moi, et je ferai de même avec toi. Je ne suis pas reine et tu n’es pas roi. Au-delà de cet espace, de multitudes d’autres s’offrent ou se ferment, tu peux entrer, ouvrir ou passer ton chemin, te nourrir toi et t’abreuver de tout ce que tu y trouveras de goûteux, n’oublie pas que personne en ces espaces n’est reine ou roi, personne ne doit se permettre d’abuser du moindre pouvoir. Continue et raconte-moi »
Je ne m’appartiens pas non plus, je suis vieille et je n’en finis pas de faire ma connaissance.
Mais la plupart du temps je ne suis pas plus forte que la maladie, que les drogues, que la passion. Ce sont les enfants qui le sont. Combien ai-je d’enfants déjà ?
A PROPOS DE MA MERE
Puisses-tu ne plus connaître que la paix
A PROPOS DE MON PERE
Qui aurait bien aimé que j'écrive un roman qui parle de lui, mais que de lui je crois, et de son vivant si possible
C’est vrai, quand Zoé Oldenburg dont je ne savais rien, a sorti son « Procès du rêve » (comprendre procès du père), il me l’a offert, accompagné d’un article flatteur du Monde des Livres, glissant son admiration pour une fille qui consacrait tout un ouvrage à son père. Il adorait aussi la chanson de Daniel Guichard « Mon vieux » qui décrit un personnage fané et tristounet, et qui se termine par un émouvant « PAPA ! »
Contrairement à Précious, l’héroïne du roman « Puch » de Sapphire, je ne me suis jamais demandée « pourquoi moi ? » Je pensais bien être la digne fille d’un père tel que le mien, mais je ne me rendais pas compte à quel point il fut indigne d’une fille telle que moi (et de ses nombreux autres enfants). Il ne m’a pas violée dès l’âge de 3 ans, ni ne m’a engrossée, mais il y a diverses manières d’être indigne de sa progéniture. Je l’ai cru uni-dépressif, névrosé obsessionnel - ce qu’il avançait lui-même -, il était probablement bipolaire et/ou pervers narcissique (eh ! Ce ne sont pas des accusations, ni des gros mots, juste une simple et concise description)
Je dois dire que moi aussi, quand je commence à m’y mettre, je suis bien capable de m’auto-diagnostiquer à foison, selon mon humeur, en plus avec internet, on peut se régaler. Lui n’avait que sa nombreuse littérature et ses cours de 1ère année, 2ème année, licence, 4ème année (maîtrise non passée) de psycho. Ses loisirs pour sa retraite.
Depuis qu’il est mort, c’est à dire des années, c’est moi qui lis ses anciens bouquins de cours, en m’ énervant sur pas mal de ses annotations, où je retrouve tous ses vieux poncifs tant entendus, alors pour ne pas me sentir parasitée, je les gomme en l’engueulant un peu tout fort.
Bon, on ne peut pas dire qu’il en ait tiré beaucoup de leçons au sujet de l’optimisation de sa communication, à part quelques expressions qui me laissaient quelques minutes l’espoir de comprendre quelque chose à ses interminables explications, du style « autrement dit » ou « par conséquent », mais à part ça, il m’aura insufflé l’esprit de doute et de scepticisme face à toute théorie, c’est déjà pas mal !
A PROPOS DE MON PERE (2)
Vu comme c’est parti, c’est possible que je sois en train de lui réserver un chien de ma chienne, ça risque d’être un sacré procès par contumace (et sûrement pas aussi joliment écrit que par Zoé), il aurait été content s’il avait su. Mais avant ça j’ai d’autre boulot à faire.
A PROPOS DES HOMMES
Rien à dire
A PROPOS DE MON AMIE
Nous ne refaisons plus le monde des heures durant, mais chacune de nous s’est mise à aller vers les quelques petits mondes à l’intérieur du grand, où nous pouvons continuer à aller vers nous-mêmes. Cela nous console un peu de nos constats d’impuissance, des exacerbations de nos émotivités, et nous nous racontons nos découvertes.
A la question de savoir à qui je proposerais de m’accompagner si je n’avais le choix que d’une seule personne pour devoir vivre sur une ile déserte, ce serait à elle
A PROPOS DES HOMMES
Je commence à me demander si celui qui s’est comporté de la façon la pire de tous dans la réalité qui était mienne, n’est pas, dans la réalité universelle, le meilleur. C’est le seul entre tous que j’ai vraiment voulu séduire, alors qu’il ne faisait que m’apprécier. Il profitait spontanément de la passion que je lui vouais et simplement ne la partageait pas. Ses prudences, ses retraits m’apparaissaient comme des rejets. Plus tard, quand submergée de vexations et de frustrations, je lui mentirai sur moi afin qu’il me haïsse, il exprimera une colère d’incompréhension, parce que avec et malgré toutes les épreuves que nous nous étions infligées, il commençait lui à comprendre comme je l’avais aimé, et à croire qu’il m’aimait.